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Coeur des Mots   

L’acteur français Alain Delon est mort

Croustille | Publié le 18/8/2024, 18:57 | 796 Vues

PHOTO ARTHUR MOLA, ARCHIVES INVISION/AP

Alain Delon tient la Palme d’or d’honneur reçue en 2019.

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(Paris) Légende du cinéma, acteur instinctif à la beauté incandescente mais aussi réac assumé à l’ego énorme, Alain Delon, l’acteur de Plein soleil et du Samouraï, s’est éteint dimanche à 88 ans.

De l’Italie où il a travaillé dans les années 60 avec des cinéastes comme Visconti au Japon où il était une vedette, le départ de l’acteur au regard magnétique a suscité une vague d’émotion.

Sa mort a été annoncée par ses trois enfants « Alain Fabien, Anouchka, Anthony, ainsi que [son chien] Loubo », dans un communiqué commun adressé à l’AFP, tournant le dos à des mois de bisbilles très médiatisées.

L’acteur, qui souffrait d’un lymphome, est mort dans sa propriété de Douchy, dans le Loiret (Centre).

« Monsieur Klein ou Rocco, le Guépard ou le Samouraï, Alain Delon a incarné des rôles légendaires, et fait rêver le monde. Prêtant son visage inoubliable pour bouleverser nos vies », a réagi sur X Emmanuel Macron, qui a salué « un monument français ».

Aucun hommage national n’a été évoqué dans l’immédiat. De son vivant, Delon avait refusé cette idée, affirmant en 2018 vouloir être « enterré comme tout le monde ». Plus précisément, dans sa propriété, près de ses chiens. La préfecture a donné un accord de principe.

Devant sa maison, des dizaines de personnes sont venues déposer des bouquets de fleurs après l’annonce de sa mort.

« C’était quelqu’un de très simple, de très gentil, ouvert, on le voyait souvent se balader », a raconté Marc, habitant d’un village voisin également venu se recueillir à Douchy.

« Vide abyssal »

« Sa disparition creuse un vide abyssal que rien ni personne ne pourra combler », a confié à l’AFP Brigitte Bardot, désormais dernière légende vivante du 7e art français.  

« Le bal est fini. Tancredi s’en est allé danser avec les étoiles… », a réagi de son côté Claudia Cardinale, sa partenaire dans Le Guépard.

Rarissime au cinéma depuis la fin des années 90, l’acteur avait fait les gros titres à l’été 2023 quand ses enfants avaient porté plainte contre sa dame de compagnie, Hiromi Rollin, parfois décrite comme sa compagne, suspectant un abus de faiblesse.  

Avant de se livrer bataille quant à la prise en charge médicale de l’acteur, très affaibli depuis un AVC en 2019.

Peu avant, en mai 2019, il était à Cannes pour recevoir une Palme d’or d’honneur, entre larmes et discours aux accents testamentaires. « C’est un peu un hommage posthume, mais de mon vivant », avait déclaré l’acteur.

En hommage à l’acteur, plusieurs chaînes ont bouleversé leurs grilles dont France 2 qui diffuse dimanche soir Le samouraï, puis La piscine.  

À Paris, plusieurs salles de cinéma ont diffusé Le Guépard (1963), dont certaines à guichets fermés.  

« Pour moi, c’était une légende », a raconté à l’AFP Victor Roussel, 26 ans, avant la projection. « Alain Delon représente vraiment le cinéma français avec un grand C », a ajouté l’étudiant en cinéma.

« Gangster au visage d’ange »

Loin des acteurs cérébraux, Delon était un instinctif. Il s’enorgueillissait de n’avoir jamais travaillé sa technique et s’appuyait sur son charisme, mélange unique de beauté incandescente et de froideur cassante.

Dans La piscine (1969), il joue aux côtés de celle avec qui il formait quelques années auparavant le couple chéri de la presse, Romy Schneider

Le cinéaste le plus important de sa carrière est Jean-Pierre Melville, qui le dirige dans deux chefs-d’œuvre, Le samouraï (1967) et Le cercle rouge (1970).

Ces rôles définissent le mythe Delon, qu’il exploitera dans de nombreux autres polars par la suite : l’homme d’honneur viril et taiseux, obligé de se battre seul contre des forces qui le dépassent.

Ce personnage archétypal inspirera des réalisateurs du monde entier, comme le Hong-Kongais John Woo ou l’Américain Quentin Tarantino, alors même que le Français n’a jamais percé à Hollywood.

« RIP, gangster au visage d’ange », a écrit sur Instagram le réalisateur américain Jim Jarmusch sur une photo de Delon dans Le samouraï.

Nostalgique

De rivalité en rares collaborations (Borsalino en 1970 et Une chance sur deux en 1998), la carrière de Delon s’est construite parallèlement à celle d’un autre monstre sacré, son ami Jean-Paul Belmondo.

« Alain, un jour vous m’avez dit que mon père vous manquait, aujourd’hui c’est vous qui allez nous manquer énormément », a réagi sur Instagram Paul Belmondo, le fils de « Bébel ».

Mais si l’acteur Delon était unanimement admiré, l’homme a souvent été critiqué et jugé antipathique.

Certains lui ont reproché ses prises de position, en faveur du leader d’extrême droite Jean-Marie Le Pen, pour la peine de mort ou contre l’homosexualité.

« Alain n’était pas du tout la caricature qu’on en a dressé : il savait être chaleureux, heureux, je n’ai que des bons souvenirs avec lui », a confié l’animateur et ami des célébrités Michel Drucker au journal Le Parisien.

Naturalisé Suisse, homme de droite revendiqué, nostalgique des années de Gaulle, Delon était aussi moqué pour son ego et son habitude de parler de lui à la troisième personne.

Sur les réseaux sociaux, l’INA a exhumé un extrait d’une émission de 1996, où Alain Delon était interrogé sur ce qu’il aimerait que Dieu, s’il existe, lui dise à sa mort.

Réponse : « Puisque tel est ton plus grand et ton plus profond regret — je le sais — viens, je te mène à ton père et ta mère, afin que pour la première fois, enfin, tu les vois ensemble », confiait l’acteur, malheureux, enfant, ballotté entre deux familles.

Kilian FICHOU, Paul RICARD et Tom MASSON à Douchy

Agence France-Presse

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